Wingardium Leviosa ! [PV Erwan]

Six heures du matin. L'aube pointait ses longs doigts de lumière à travers les vitres poussiéreuses de la vieille salle de classe désaffectée. Rien ne venait troubler le calme ensommeillé qui régnait encore sur tout le château. Soudain, un grincement de porte brisa le silence. Dagon venait de se glisser dans la pièce vide sur la pointe des pieds. Le jeune garçon était du genre à se lever tôt, mais les raisons de son excursion matinale étaient toutes autres. Il resta un instant à contempler les minuscules étoiles qui tournoyaient dans les faisceaux émis par le soleil levant, avant de détourner le regard. Il ne devait pas oublier pourquoi il était venu ici.

Il sortit d'une de ses poches une plume -subtilisée dans la cage de Gloria, cette dernière s'étant absentée pour la nuit- qu'il déposa sur le sol, sous le grand tableau noir éclairci par les traînées de craie blanche que le temps n'arrivait même plus à effacer. Il pointa sa baguette sur la plume et, osant à peine briser le magnifique silence, dit à voix basse :

Wingardium Leviosa !

L'écho du murmure s'accrocha un instant aux murs nus, puis mourut. La plume était restée immobile. Dagon grimaça. Il caressa nerveusement le bois de ronces. Une nouvelle fois, il retourna la baguette dans tous les sens, l'examinant dans ses moindres détails, à la recherche d'un éventuel défaut de fabrication. L'objet était lisse, sans imperfection, se moquant de lui. Dagon refit une tentative.

Wingardium Leviosa !

Aucun résultat. Depuis qu'il avait appris sa nature de sorcier, le jeune garçon avait eu beaucoup d'occasion de douter de lui. Apprendre l'existence de la magie troublait énormément sa raison. Savoir que lui même était doté de pouvoirs surnaturels le rendait encore plus dubitatif. Il avait lu bon nombres de ses manuels scolaires, étudié avec sérieux la théorie des sortilèges, des enchantements et des maléfices, mais jamais il n'avait réussi à produire le moindre phénomène magique. Aussi avait-il pensé à de nombreuses reprise qu'il y avait eu erreur sur la personne. Quant à sa baguette magique, elle avait produit une brève explosion similaire à celle d'un pétard au moment où elle était entrée en contact avec sa peau chez Ollivander, et depuis plus rien. Elle aurait aussi bien pu être un bout de bois ordinaire. Se pouvait-il que sa baguette soit défectueuse ? Ou bien était-ce lui qui était un sorcier médiocre ? Ou pire, peut-être n'avait-il tout simplement aucun pouvoir ?
Dagon s'agaçait.

Wingardium Leviosa ! Wingardium Leviosa ! WINGARDIUM LEVIOSA !

La plume ne bougeait toujours pas, mais un bruit se fit entendre dans son dos. Dagon se retourna apeuré vers un banc recouvert d'une vieille housse poussiéreuse qui, abandonné dans le fond de la salle, semblait s'animer...

Un raclement de bois sonore se fit entendre à quelques centimètres de l'oreille gauche d'Erwan qui se réveilla en sursaut.

« Gnurf ? » questionna dans le vide le jeune Poufsouffle d'une voix pâteuse et rauque caractéristique du réveil, un œil encore à moitié collé par le petit somme qu'il venait de piquer.

Oui, il se réveillait. Mais comment était-il arrivé là déjà ? Et où était-il d'ailleurs ? Et pourquoi le bureau sous lequel il était de toute évidence installé bougeait comme s'il était animé par une entité démoniaque ?

« Woooooh ! » s'exclama Erwan avec vigueur.

Il roula sur le côté juste à temps pour ne pas recevoir le lourd pied du bureau en pleine figure et se retrouva sur le dos, en plein milieu du couloir que formaient les deux rangées de pupitres présents dans la pièce. Il s'en était fallu de peu, il aurait eu l'air fin avec une marque de pied de bureau en plein milieu de la tête. Et pas mal amoché aussi. Les yeux rivés au plafond, la respiration haletante, Erwan tenta de se rappeler pourquoi il était dans un salle de classe vide avec des bureaux vivants. La scène ne s'étant passée il y avait à peine une petite demi-heure environ, il n'eut pas de mal à se la rappeler.

Comme depuis qu'il était arrivé à Poudlard, Erwan n'arrivait pas à dormir énormément, trop excité à l'idée du château et des découvertes qu'il pourrait y faire. Il savait pertinemment qu'il avait sept longues années devant lui pour en faire le tour mais il ne pouvait se résoudre à attendre aussi longtemps. Après tout, il dormirait quand il sera mort, pour l'instant son but premier était d'explorer. Il s'était donc levé une nouvelle fois aux aurores pour visiter un peu les couloirs et avait choisi un étage au hasard, le sixième. Par malheur, il avait croisé Miss Teigne, la chatte du concierge de l'école dont son frère lui avait tant parlé. D'après lui, une telle rencontre à n'importe quel moment de la journée ne signifiait jamais rien de bon.

Erwan avait donc pris ses jambes à son coup et, quand il fut hors de vue du félin, était rentré dans la première salle venue. Par chance, cette dernière était ouverte. Mais qu'allait-il faire dans une salle vide, et seul qui plus est ? Sentant ses yeux le picoter légèrement, il se dit que dormir un petit peu était un idée plus que plaisante. Le fait de dormir sous un banc ne lui paraissait en fait même pas anormal, juste quelque peu inconfortable.

Ayant repris sa respiration, Erwan se releva sur les coudes et regarda le bureau toujours agité de spasmes incontrôlables. Il sortit sa baguette et la pointa vers le meuble.

« Finite Incantatem ! » s'exclama-t-il en se concentrant sur l'effet voulu.

Il n'avait jamais lancé ce sort auparavant mais avait vu tant de fois ses parents le faire suite aux bêtises des ses trois frères - lui compris dans le lot, bien sûr - que c'était comme s'il l'avait toujours maîtrisé. Le sort atteignit le pupitre de plein fouet qui se stoppa dans la seconde. Erwan fut satisfait de lui et fit exprès de ne pas remarquer que sa cible tremblotait encore légèrement.

« Pfiouh, on peut dire que j'ai eu chaud... » monologua l'écossais en passant sa manche sur son front.

Lorsqu'il se redressa, tout en n'oubliant pas d'épousseter les pans de sa robe, et qu'il se retourna, Erwan se rendit compte qu'il n'était pas seul. Un élève de Serdaigle se tenait à quelques mètres de lui, la mine surprise, sa baguette à la main. Ni une, ni deux, le Poufsouffle se dirigea avec de grandes enjambées vers le garçon tout en lui lançant:

« Hey ! C'est toi qui à fait ça ? C'est génial ! Vraiment génial ! Tu dois être doué comme sorcier pour ensorceller un banc ! Enfin, je dis ça, peut-être que c'est facile, j'en sais trop rien... Mais l'idée est excellente ! Bon, celle de m'écraser la tête un peu moins mais on a rien sans rien, n'est-ce pas ? »

Il s'arrêta un instant, le temps de reprendre son souffle. De toute manière, il n'avait aucune raison de continuer son chemin car il était maintenant face à l'élève inconnu, bien plus petit que lui. Il lui tendit la main avec un sourire joyeux.

« Erwan McAllister, première année à Poufsouffle ! J'imagine que tu dois déjà être en troisième pour connaître des sortilèges comme ça ! » dit Erwan d'une traite. « Quoi que tu sembles un peu petit... » rajouta-t-il en suite en penchant légèrement la tête et en plissant les yeux. « Enfin, ce que je veux dire c'était que tu semblais plus grand de loin. Enfin non, ce que je voulais dire, c'est que c'est moi qui suit grand. Enfin bref ! »

Le Poufsouffle avait hâte de converser avec ce nouvel élève, surtout qu'il n'avait jamais vraiment parlé avec des élèves de Serdaigle.

Malgré sa grande vivacité d'esprit, Dagon eut du mal à saisir correctement toutes les informations qui lui parvinrent d'un seul coup. Premièrement, la soudaine intervention d'un banc enchanté qui ne présageait rien de bon. Ensuite, l'apparition quasi-miraculeuse d'un garçon, un véritable garçon, fait de chair et de sang. Après avoir cru un bref instant que ses coups de baguettes magiques désordonnés avaient pu créer un être humain de toute pièce, le jeune garçon se ressaisit et analysa la situation : de toute évidence, un jeune Poufsouffle dormait sous le fameux banc, et avait était réveillé lorsque ce dernier avait pris vie. Le phénomène sus-cité restait cependant un mystère.
Le banc se déplaçait à présent comme un grotesque animal, un animal aux pattes très courtes et au corps très long. Dagon pensa à ces vieux chiens aux oreilles tombantes. A l'exception que ce meuble semblait nettement moins pacifique, et s'agitait à présent dans tous les sens de manière colérique.
Le Serdaigle retint son souffle au moment où le sortilège d'Erwan neutralisa le meuble.
Il se passa ensuite plusieurs chose : le jeune garçon déversa sur Dagon un flot de paroles, ce qui eut pour effet de le faire rougir instantanément. Comment pouvait-il se méprendre à ce point, et croire que lui, qui n'arrivait même pas à faire décoller une plume du sol, pouvait être un sorcier doué ? Le Poufsouffle lui tendit ensuite la main, et Dagon eut pour réflexe de la saisir, sans oser pour autant regarder Erwan dans les yeux.

- Dagon Valentyne. Ce n'est pas moi qui ai ensorcelé ce banc.

Dagon saisit le regard dubitatif de son interlocuteur. Il réalisa à quel point cette présentation était sèche, aussi décida-t-il de l'étoffer, prenant son courage à deux mains pour vaincre sa timidité.

- Je suis en première année à Serdaigle, je ne sais pas lancer ce genre de sorts. Mais on est dans un château enchanté, il est donc logique que le mobilier agisse de manière surnaturelle.

Ravi d'avoir réussi à ne pas bafouiller, et d'avoir de surcroit trouvé une explication au phénomène qui venait de se produire, Dagon osa un faible sourire, puis replaça ses lunettes sur son nez avec son index. Un peu gêné, il réalisa que Erwan avait peut-être tout suivi de ses mésaventures magiques. Il marmonna :

- Tu étais là ? Enfin je veux dire... Tu as tout vu ? Non, je veux plutôt dire : Qu'est-ce que tu as vu ?

Une fois de plus, ses joues rougissaient de manière incontrôlable. La honte qu'il ressentait à l'idée que quelqu'un ait pu découvrir son "impuissance magique" le paralysait.

Erwan vit avec surprise son interlocuteur devenir aussi rouge que le bonnet d'un Chaporouge. Le Poufsouffle se dit, après réflexion, que cette comparaison était un peu macabre étant donné le comportement de ses créatures à tremper leur couvre-chef dans le sang de leur victime mais il fallait avouer que c'était ce à quoi la couleur rouge lui faisait penser. Son frère Kyllian, fan de légendes urbaines en tout genre et en particulier du monstre du Loch Ness, lui avait assez rabâché les oreilles avec ces créatures pour qu'Erwan ne les oublie jamais. Ce jeune prodige s'appelait donc Dagon. Bien, il allait tenter de retenir ce prénom fort peu commun. Il fallait avouer qu'en quelques jours seulement, Erwan avait dû retenir par mal de prénoms tous plus folkloriques les uns que les autres. Il se demandait vraiment ce qui passait par la tête des parents sorciers pour donner des noms aussi peu communs à leur progéniture.

Il fut néanmoins fort déçu que ce ne soit pas le jeune Serdaigle qui ait lancé l'enchantement. Mais alors... si ce n'était pas lui... qui était-ce ? Soudain pris de sueurs froides, Erwan ouvrit grands les yeux tel un hibou au comble de la surprise et se mit à réfléchir à toute allure. Il avait déjà vu des fantômes, lors de la cérémonie de la répartition notamment, mais n'avait jamais dû subir la présence d'un poltergeist possesseur de mobilier dans la même pièce que lui. Sa lèvre inférieure commença à trembler légèrement mais son attention fut bien vite détournée par les paroles de Dagon. Cette histoire de possession démoniaque était déjà loin derrière lui, preuve une fois de plus qu'il était définitivement tête-en-l'air et qu'un rien pouvait effacer une pensée de sa tête.

« En première année ! Mais c'est parfait ça ! On va pouvoir suivre les cours ensemble du coup ! » s'extasia Erwan.

Même s'il ne connaissait le jeune garçon que depuis quelques secondes à peine, Erwan s'était déjà pris d'une grande affection pour lui. Après tout, toute personne qui ne lui répondait pas froidement avait de grandes chances pour être concidéré comme un ami potentiel. Avec amertûme, il se rappela de Severus Rogue, ce garçon qu'il avait rencontré à la bibliothèque et avec qui il avait suivit un cours de potion plutôt désastreux. Mais... maintenant qu'il y repensait, Dagon lui paraissait légèrement familier.

« Mais oui ! » s'extasia Erwan avec force, pointant le nez du Serdaigle de son index tendu. « Je te connais ! Non, je te reconnais en fait... Tu étais bien au cours de potion - c'était quand déjà ? - jeudi matin ! J'étais dans le fond[1], avec le chaudron qui sifflait ! Je me souviens, je me souviens... » dit-il avec un air vague, regardant un peu au dessus de la tête de son interlocuteur, abaissant son bras mollement.

Même si Dagon ne devait pas sûrement pas se souvenir de lui - ou alors peut-être avait-il été mémorable à cause de sa potion intégralement fichue - Erwan était tout de même content pour une raison qui lui était lui-même totalement obscure. Observant la réaction du jeune garçon, le Poufsouffle fut tout de même soulagé d'y voir un petit sourire. Lorsque le Serdaigle recommença à parler après le soudain élan d'énergie de l'écossais qui avait dû légèrement le surprendre, Erwan arqua un sourcil. Il ne voyait vraiment pas où Dagon voulait en venir avec ces questions.

« Ce que j'ai vu ... ? Eh bien euh... c'est un peu indiscret mais... soit je vais te raconter ! » décida Erwan après un temps de réflexion.

Il prit sa respiration et commença son récit:

« En fait je pilotais un avion - tu sais, ces engins moldus qui volent dans les airs ! ils sont tout de même ingénieux ces moldus ! - et quand j'ai regardé par la fenêtre, j'ai vu une colline. Sauf que cette colline, elle était pas comme une colline ordinaire, elle était en barbe à papa. Puis d'un coup j'étais plus dans l'avion mais au sol, assis sur une roche en forme de girafe - enfin, elle avait que le cou d'une girafe mais j'étais au sol donc j'imagine que j'étais sur son dos - et j'ai croisé le professeur McGonagall en grande discussion avec un crapaud. »

Il reprit de l'air avant de continuer.

« Vous rendez-vous compte ? La qualité des parchemins devient de plus en plus risible chaque année qui passe ! » mima Erwan en imitant la voix de son professeur de métamorphose avant de reprendre sa voix normale. « Puis ils m'ont couru après en me lançant des coquelicots et je me suis retrouvé à nouveau dans l'avion sauf qu'il allait se crasher sur une colline en haricots vert avec des arbres constitués de petits poids ! Et c'est là que je me suis réveillé... »

Un lourd silence tomba sur la salle de classe avec comme seul bruit de fond les tapotits du banc enchanté contre le sol.

« Voilà ce que j'ai vu... » avoua Erwan, impatient de savoir ce que Dagon en pensait.

[HRP: [1] à cause de mes chevilles trop faibles... allez mon gars ! 'faut m'aider à retrouver !]